Compiled by Clint Enns. Presented at Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville on May 19, 2024.
Video mixtape’ is a term that describes hand-made VHS collage tapes primarily consisting of found footage re-recorded from movies, television, and home videos. Some refer to them as ‘video complications,’ while colloquially they can also be referred to as ‘VHS shit mixes,’ ‘video cut-ups,’ ‘scratch videos’ (as the British call them), and to a few lonesome (or perhaps hopeful) creators they are referred to as ‘party tapes.’ Historically, such video collages were mainly self-distributed, with the genre’s most popular titles being bootlegged and eventually shared on peer-to-peer networks. Although a few of them have been commercially produced, none would be considered commercially successful.
A wide majority of video mixtape compilations are comprised of short clips, dubbed from other source videotapes, which mixtape creator-collectors thought were the ‘best of the best’ or the ‘weirdest of the weird.’ They offered up some of the most extreme, bizarre, and sensational clips from people’s individual video collections. A few even included original material produced specifically for the mix. Some of the more extreme video mixtapes were officially (or unofficially) ‘banned,’ an aspect that appealed to gore-hounds since it suggested this morally corrupt material was offensive enough to inspire some government bureaucrat to try to censor audiences from seeing it. Warning labels attached to tapes not only suggested that the material was shocking, but also functioned as a challenge to potential viewers: Do you have the intestinal fortitude necessary to engage with this material?
For this program, we have selected the most emblematic of the earliest mixtapes and, using two VCRs, we have edited them onto one VHS tape for your viewing pleasure.
Nous avons demandé au chercheur et commissaire Clint Enns de nous préparer un programme spécial entièrement compilé à partir d’extraits de compilations vidéo. Ces artefacts vidéo, autrefois rares, n’ont jamais été destinés à un accès à la demande ni aux masses au cœur tendre qui ne feraient pas l’effort de les trouver. Historiquement, ces vidéocassettes étaient autodistribuées et uniquement disponibles par correspondance. Pour ce programme, nous avons sélectionné les plus emblématiques des premières compilations vidéo. Vous verrez des œuvres de S.P.K., de PSYCHIC TV, de NIN, du fondateur de Film Threat, CHRIS GORE, de GEORGE BARBER avec « The Greatest Hits of Scratch Video », et des artistes RICHARD ALTMAN et SEBASTIAN CAPONE de Winnipeg. À l’aide de deux magnétoscopes, nous avons monté ces extraits sur une vidéocassette VHS pour votre plus grand plaisir. Avez-vous le cœur assez bien accroché pour regarder ça ? 18 ans et plus.
Program
Excerpts from:
S.P.K. | Despair | 1982
Psychic TV / Thee Temple ov Psychick Youth | First Transmission | 1982
George Barber | The Greatest Hits of Scratch Video [Vol. 1 & Vol. 2] | 1984 / 1985
[Works by: George Barber, Kim Flitcroft & Sandra Goldbacher, Jeffrey Hinton, The Duvet Brothers, John Scarlett Davis, John Maybury, Gorilla Tapes, and Tim Leandro.]
Chris Gore | Cathode Fuck / T.V. Sphincter | 1986 / 1987
Nine Inch Nails [NIN] | Broken | 1993
Richard Altman & Sebastian Capone | Sociology 666 | 1996
Critical Discourse
Samy Benammar, “I’ve been hearing things: Quelques hallucinations sonores du Festival de musique actuelle de Victoriaville,” 24 images (May 28, 2024).
Le deuxième programme s’ouvre comme un manifeste, une forme de revival des avant-gardes du début du vingtième siècle à la sauce walkman de gamins biberonnés à la télévision et à l’anticonformisme. Le chercheur et cinéaste Clint Enns, à l’invitation de Karl Lemieux, propose une compilation de mixtapes expérimentales produites dans les années folles de la VHS. Ce genre, profondément ancré dans le « va te faire, au revoir, à la prochaine » dadaïste, s’est constitué autour de remontages d’extraits de télévision et de radio en amas informes mais néanmoins rythmiques. Les films juxtaposent des discours politiques, des publicités, des films et une quantité vomitive de matériaux audiovisuels pour constituer des œuvres tantôt satiriques, tantôt comiques, tantôt nihilistes. On oscille donc dans le programme entre des images du Vietnam et une publicité de parfum. On nous rappelle que la manipulation politique occidentale trouve ses racines dans le broadcast et que les documents du Pentagone ne sont que la face émergée d’un iceberg médiatique omnipotent.
Dans la suite des dadaïstes, le cinéma lettriste, avec en tête de file Isidore Isou, avait fait exploser la sphère artistique des années 1950 en proposant des films franchement dégueulasses prenant leurs spectateurs pour des imbéciles avant de les caresser dans le sens du poil poétique. On pourrait ainsi retracer la filiation d’un cinéma expérimental en opposition esthétique et politique à son temps : « c’est assez, pour le poète, d’être la mauvaise conscience de son temps », dirait Saint-John Perse tandis que les situationnistes nous inviteraient à renverser nos verres sur les chemises des bourgeois. La génération mixtape reprenait ce flambeau sur bande magnétique avant de se prolonger numériquement avec l’avènement de YouTube pour finir, à la fois partout et nulle part, entre TikTok et des festivals qui ne sélectionnent plus ces œuvres. La séance du FIMAV amène plus loin que les années vingt ou soixante en s’éloignant du dandysme parisien et de ses mauvais maîtres éduqués pour assumer une posture prolétaire, décérébrée et, par un étrange détournement, brillante. Alors, on nous chie littéralement dessus lors d’une contre-plongée à la fois insupportable et jouissive où l’excrément sort lentement de l’anus pour venir peinturer l’objectif et le somptueux écran de la salle du Carré 150 de Victoriaville. La piste sonore, quant à elle, pousse l’hallucination à son extrême en mixant chansons populaires, slogans publicitaires et hurlements informes. On sort de la salle un peu déstabilisés par une séance dont l’extrême originalité réveille à la fois nos ambitions révolutionnaires avec un cinéma qui ne saurait être plus expérimental et nos travers réactionnaires qui nous font quelque peu regretter la tranquillité analogique des oiseaux de la veille.
Au terme de ces deux programmes, les sons bourdonnent dans ma tête. Le programme de Karl Lemieux est indéniablement « classique » et, malgré certaines de mes réticences, je réalisé l’importance de son rôle dans l’écosystème expérimental local et international. Une nouvelle fois, Clint Enns m’impressionne par sa capacité à nous amener avec autant d’intelligence que de bêtise sur des territoires inusités de l’image. Je remercie ces deux figures diamétralement opposées et absolument complémentaires, ces cinéastes-programmateurs-penseurs dont la passion partagée pour les ailleurs cinématographiques est l’un des piliers qui font tenir un milieu où l’on cherche encore des images. On refuse de se contenter de montrer, on explore les hallucinations sonores et on se dit surtout que, si l’on croit avoir entendu, c’est déjà ça de souvenir.
J’interpelle Clint Enns sur le trottoir de la rue Notre Dame :
— Why did you do that to us?
— Because it was fun.